Patrimoine naturel
Au quaternaire, une succession de cirques glaciaires se sont formés entre le Hohneck et le Tanet sur le versant alsacien des Hautes-Vosges. Leur relief accidenté compose un paysage sauvage et spectaculaire, à l’origine du classement de la Réserve Naturelle.
Balayés par des vents parfois violents et abondamment arrosés, la Réserve Naturelle présente une mosaïque d’habitats rares et originaux.
Les forêts aux multiples visages
Dans les parties les plus accidentées des versants, les pessières, hêtraies-sapinières et érablaies sur éboulis présentent un caractère naturel élevé. Sur substrat tourbeux ou sur éboulis, on rencontre parfois de rares pessières naturelles qui possèdent la particularité d’être les seules stations où l’épicéa est autochtone pour le Massif Vosgien. Sur les crêtes, la hêtraie subalpine avec ses hêtres tortueux est soumise aux conditions climatiques extrêmes.
Ces forêts, en majorité inexploitables en raison du relief, présentent un intérêt majeur par la présence d’arbres d’âges variés et la richesse en arbres morts.
De vastes herbages sommitaux, les chaumes
Issues de défrichements anciens et exposées à un environnement souvent inhospitalier, les chaumes des crêtes vosgiennes sont composées de landes à éricacées ou de pelouses sommitales. Parmi le Nard, la Callune et la Myrtille, on retrouve de nombreuses espèces subalpines comme la Pulsatille blanche, la Pensée des Vosges ou encore l’Arnica.
Les prairies, des enclaves ouvertes dans la forêt
Les prairies qui occupent les replats des versants forestiers sont également issues de défrichements anciens. Gérées de manière extensive, ces prairies sont très riches en espèces. Au milieu d’espèces montagnardes, comme la Centaurée des montagnes ou le Fenouil des Alpes, poussent quelques espèces d’orchidées, comme le Plantanthère à fleurs verdâtres ou bien l’Orchis globuleux.
Les couloirs d'avalanche
Sur les versants supérieurs des cirques glaciaires se développe une formation primaire de l’étage subalpin particulièrement riche en espèces remarquables : Oeillet superbe, Lys martagon, Ail victorial, Digitale.
Dans les secteurs moins pentus, on rencontre une formation buissonnante, composée d’Erables sycomore, de Sorbiers des oiseleurs, d’Alisiers et de Merisiers à grappes boréal. Là où le ruissellement est quasi-permanent, on trouve des mégaphorbiaies, composées d’Adénostyle, de Laiteron des Alpes, d’Aconit napel ou encore de Pédiculaire feuillée.
Les abrupts rocheux et les éboulis
Les éboulis et les escarpements rocheux granitiques qui ponctuent les versants des cirques glaciaires subissent des conditions extrêmes avec un fort ensoleillement en été, une importante ventilation et des températures très basses en hiver. Certaines espèces sont adaptées à ces milieux comme l’Allosore crépue dans les éboulis, la Potentille de Crantz ou les Orpins des Alpes et annuels dans les escarpements. Les falaises abritent quant à elles des oiseaux rupestres comme le grand Corbeau, le Faucon pèlerin ou encore le Hibou Grand-Duc.
Les tourbières, un héritage glaciaire
Les tourbières se sont formées par une lente accumulation de tourbe issue de la dégradation partielle des Sphaignes. Le plus souvent logées au fond des cirques glaciaires (Etang Noir, Missheimle, …), c’est dans les paysages nordiques de ces tourbières que se sont réfugiées des espèces reliques de la dernière glaciation. Les conditions particulières de froid et d’humidité qui y règnent ont permis la conservation d’espèces adaptées comme les linaigrettes, le Rossolis à feuilles rondes ou l’Andromède. On rencontre aussi dans les tourbières des insectes très spécialisés, comme le Nacré de la Canneberge.
Un brin d'histoire
Limite naturelle et carrefour depuis plusieurs siècles, la crête vosgienne regorge d’un patrimoine historique important hérité de plusieurs conflits : guerre de trente ans, bornage marquant l’ancienne frontière franco-allemande de 1871 à 1914, vestiges des deux guerres mondiales.
L’existence et la distribution de certaines communautés végétales, fruit de cette histoire mouvementée, fait également partie du patrimoine historique de la Réserve Naturelle.
Evolution de l’occupation des sols
Les premiers défrichements sur le massif du Hohneck sont bien antérieurs au Moyen Age et remonteraient à l’époque du bronze ancien, selon des études récentes. Même si certains espaces ouverts de la Réserve Naturelle sont manifestement d’origine naturelle (tourbières, combes à neige et hauts-versants des cirques glaciaires), tous ont connu, sous l’impact de la pression humaine, des phases de régression et d’expansion.
La montagne vosgienne a très tôt été le terrain de chasse des mérovingiens puis des Carolingiens. La grotte Dagobert, la vallée des Francs (Frankenthal) sont autant de toponymes qui témoignent de ce passé.
Vers l’an 660, suite à la fondation d’une abbaye (Munster), l’exploitation du massif du Hohneck va s’intensifier. Des communautés villageoises paysannes vont se former autour de cette abbaye et vont défricher certains secteurs pour y créer des pâtures et se fournir en bois.
La guerre de Trente Ans (1618-1648) a de fortes conséquences sur la démographie de la vallée de Munster, entrainant une période de recolonisation forestière. Après cette époque, la pression humaine ne fait que croître tant et si bien qu’en 1766, l’administration doit interdire toute exploitation excessive de bois dans la vallée.
La seconde moitié du XIXe siècle marque un tournant dans l’histoire des chaumes. Concurrencé par l’industrialisation, le pastoralisme tend à se replier sur les sites les moins éloignés des villages et beaucoup de pâtures d’altitude sont abandonnées.
Les anciennes marcairies, jadis nombreuses sur le site ont pour la plupart disparues. Seule la marcairie du Frankenthal a gardé la forme traditionnelle des marcairies d’estive (bâtiment bas, séparé en une partie habitation et une partie étable). Le bâtiment date de 1928, la marcairie d’origine ayant été détruite par une avalanche en 1910, en aval du couloir Dagobert.
Réglementation
Chaque Réserve Naturelle est dotée d’une réglementation qui lui est propre, afin d’assurer sa préservation.
Le décret n° 95-1120 du 19 octobre 1995 portant création de la Réserve Naturelle du Frankenthal-Missheimle est complété par des arrêtés préfectoraux.
L’ensemble de ces textes définit les conditions de découverte et encadre les activités sur la Réserve.
Le Parc naturel régional des Ballons des Vosges, gestionnaire désigné par l’Etat, est missionné pour veiller au respect de la règlementation du site. Pour ce faire, des pouvoirs de police sont conférés aux agents commissionnés et assermentés de la Réserve Naturelle.
D’autres services de police peuvent également intervenir : gendarmerie, Office National des Forêts (ONF), Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), Agence Française pour la Biodiversité (AFB)…
L’ensemble des textes réglementaires s’appliquant sur la Réserve est consultable dans les annexes du plan de gestion.
Règles de base communes à toutes les Réserves Naturelles :
- pas de modification de l’état des lieux de la Réserve : le territoire classé en Réserve ne peut être ni détruit, ni modifié
- pas de publicité : la mention « Réserve Naturelle » ne peut pas être utilisée à des fins publicitaires
D’une manière générale, tout projet envisagé dans l’enceinte de la Réserve, quel que soit sa forme (travaux publics ou privés, manifestations, études ou suivis scientifiques…), doit recueillir l’avis du Comité Consultatif, voir du Conseil Scientifique Régional de Protection de la Nature. Si l’avis est favorable, une autorisation est alors délivrée par le Préfet permettant d’engager le projet.
Sur la Réserve Naturelle du Frankenthal-Missheimle :
- Les activités existantes à la création de la Réserve Naturelle restent autorisées, si elles sont compatibles avec la préservation du patrimoine naturel.
- Les nouvelles activités industrielles et commerciales sont interdites.
- Les nouvelles manifestations, activités sportives, de loisir ou touristiques, ainsi que les travaux, quels qu’ils soient, sont soumis à autorisation.
Le non-respect de la réglementation expose tout contrevenant à une sanction.
Il est demandé de rester sur les sentiers balisés pour limiter l’érosion et ne pas porter atteinte à la flore et la faune sauvage.
Les chiens ne sont pas admis, sauf sur le GR 5 où ils sont tolérés tenus en laisse.
Quelle que soit leur taille, les chiens sont perçus comme une menace par la faune sauvage. Ils peuvent également détruire les couvées des oiseaux nichant au sol ou blesser un animal. Le dérangement des animaux sauvages, notamment l’hiver, peut avoir de lourdes conséquences sur leur survie.
La cueillette ainsi que les prélèvements sont interdits. Cette règle ne s’applique pas à la cueillette des fruits sauvages et des champignons. La récolte est autorisée du 15 juillet au 15 décembre, limitée à 5 kg par personne et par jour et l’usage du peigne est interdit.
Le bivouac, le campement sous tente, dans un véhicule ou tout autre abri sont interdits.
L’abandon de déchets est interdit. C’est une règle de bon sens qui doit également être appliquée en dehors de la Réserve Naturelle.
L’usage du feu est interdit. Cette interdiction relève également du code forestier et s’applique dans toutes les forêts, qu’elles soient ou non en Réserve Naturelle.
La circulation des véhicules à moteur est interdite, en dehors des voies ouvertes à la circulation.
La pratique du VTT est autorisée sur les chemins de plus de 2 mètres de large. Elle est interdite sur l’ensemble des sentiers de la Réserve Naturelle, y compris sur le GR5. Il en va de même pour la randonnée équestre.
La pratique de l’escalade est possible sur les rochers de la Martinswand, berceau de l’escalade dans le Massif Vosgien. Attention, la pratique de la highline est uniquement tolérée sur le site conventionné de la Martinswand.
Tout atterrissage ou décollage est interdit sur le territoire de la Réserve.